Le regard
d'Hélène Homps,
directrice du musée de la Vallée,
La Sapinière à Barcelonnette
Interview de Catherine Cupillard
Quelle est l’histoire du musée ?
Les
collections du musée municipal de Barcelonnette remontent au 19e
siècle, rassemblées par des collectionneurs et érudits locaux, tels que
le notaire François Arnaud (1843-1908), ou le voyageur-naturaliste Émile
Chabrand (1843-1893) qui lègue, en 1893, à la ville de Barcelonnette
son « cabinet de curiosités ». Au début du 20e siècle, le relais est
pris par le sénateur bas-alpin André Honnorat (1868-1950), en
collaboration avec Marcel Provence (1892-1951), ethnographe provençal,
qui concourt à l’enrichissement du musée et s’investit auprès des
Bas-alpins émigrés au Mexique.
Désireux
de documenter « l’œuvre accomplie par les Barcelonnettes au Mexique »,
André Honnorat part à leur rencontre en 1922, et recueille photos et
documents témoignant de leur vie en terre américaine. Un travail de
collecte à l’origine du fonds dédié à la mémoire de l'émigration que
l’on a beaucoup développé et qui constitue, aujourd’hui, une collection
originale, voire inédite. Enfin, en sa qualité de ministre de
l’Instruction publique et des Beaux-arts (1920-1921), s’intéressant
particulièrement aux musées et aux bibliothèques, André Honnorat achète
pour le musée municipal, tout ce qui concerne
« Barcelonnette » et son histoire.
Pendant
plusieurs décennies, le musée végète. Deux ans seulement après la
création du service des musées de France (1945), Barcelonnette et son
musée accueillent le célèbre conservateur du musée national des Arts et
Traditions Populaires (Paris), Georges Henri Rivière, qui conseille
alors aux édiles d’encourager les dotations de leurs compatriotes «
mexicains » mais aussi de demander au musée de l’Homme à Paris « un
certain nombre de doubles » afin que le musée dispose « d’objets
mexicains, anciens et authentiques » ! Dans les années 1960-1980, le
musée municipal vivote, installé au 1er étage de l’Hôtel de ville qui
abrite (aussi) le Tribunal de justice et la Caisse d’épargne, alors
que le cabinet de curiosité d’Émile Chabrand est toujours conservé dans
son ancien musée laissé à l’abandon.
Tout
bouge dans les années 80 ! L’association Sabença de la Valéia (qui
signifie Connaissance de la Vallée), présidée par Pierre
Martin-Charpenel, élu de Barcelonnette, décide de réveiller le musée.
Alain Nicolas, conservateur du musée des Arts africains, amérindiens et
océaniens à Marseille (MAAOA), est sollicité pour superviser les membres
de l’association, néophytes, en vue de réaliser l’inventaire et le
récolement des collections. Au même moment, la commune de Barcelonnette
confie à une architecte muséographe de Marseille, Régine Got,
l’élaboration d’un véritable équipement muséographique qui sera installé
dans la villa La Sapinière, léguée en 1971 à la ville de Barcelonnette
par son dernier propriétaire, Antoine Signoret, mort au Mexique, avant
d’être inauguré, en mars 1988, sous le nom de « Musée de la Vallée ».
Quelle est la spécificité du musée ?
Faisant
régulièrement de l’accueil au public, aux visiteurs qui me
demandent « qu’est-ce qu’il y a à voir dans ce musée ? »,
je réponds souvent : « notre musée est une table d’orientation pour
comprendre à la fois les paysages et les parcours de vie des habitants
de la vallée de l’Ubaye, depuis la protohistoire jusqu’à nos jours ».
C’est effectivement un musée qui raconte des histoires, dévoile des
parcours de vie, que ce soit celui de l’archéologue amateur, François
Arnaud qui collecte les bronzes et parures funéraires, ou celui d’André
Honnorat qui se mobilise pour la naturalisation des immigrants
piémontais, ou celui des marchands-colporteurs dont on a identifié les
visages, les noms et qui voyagent vers les Flandres et au Luxembourg et
enfin, ceux des Ubayens qui vont partir s’installer aux Amériques…
L’autre
particularité du musée est sa localisation, situé dans une élégante
villa édifiée en 1878, de retour du Mexique, par Alexandre Reynaud, père
de l’homme d’État français Paul Reynaud (1878-1966). On propose ainsi
une double visite : celle d’une villa de trois étages, qui a conservé
ses éléments de décor, ses parquets en marqueterie, ses vitraux Art
Nouveau, et son cabinet de bain en faïence, également « art nouveau »,
identique à celui des cabines de bain de grand luxe de l’établissement
thermal de Vichy, et celle d’un musée, qui raconte et présente
l’histoire des habitants de cette vallée alpine ouverte sur le monde.
Lire la suite